Conseil des Juristes

Réforme UNEDIC : chômage des indépendants, bonus-malus, nouvelles règles d’indemnisation

Une forte diminution du paramètre initial de couverture chômage des indépendants

Le projet initial : une assurance-chômage universelle

Extrait de la plateforme de campagne présidentielle 2017 du candidat En Marche, Emmanuel Macron : « Nous mettrons en place une assurance-chômage pour tous, parce que dans un monde qui se transforme, le chômage ne peut plus être un risque contre lequel certains se couvrent à titre individuel, et d’autres par des garanties collectives (…) L’assurance-chômage universelle couvrira tous les actifs – salariés, artisans, commerçants indépendants, entrepreneurs, professions libérales, agriculteurs – et facilitera les transitions d’un statut à un autre ».

L’assurance-chômage des artisans, commerçants, indépendants, professionnels libéraux, telle que finalisée par décret du 28 juillet 2019, est très loin de correspondre à la vision universelle initialement avancée.

Le projet abouti : une allocation minime soumise à de multiples conditions drastiques

En fait de « chômage », il faut désormais penser « allocation ». Et qui dit « allocation », dit « conditions de ressources ».

De fait, le décret soumet le versement de l’allocation des travailleurs indépendants à 4 conditions :

  • Une activité minimum de 2 ans ininterrompue à la tête d’une même entreprise
  • Une recherche d’emploi effective
  • Une moyenne de 10.000€ de revenus par an issus de l’activité sur les deux années précédant la liquidation
  • Des ressources mensuelles imposables, autres que celles issues de l’activité sur les 12 mois précédant le dépôt de la demande, inférieures au RSA pour une personne seule (559,74€ en 2019)

Ainsi, le professionnel indépendant qui subira une liquidation judiciaire, expérience déjà douloureuse, devra, pour accéder à son allocation, monter un dossier administratif titanesque et inquisiteur pour espérer pouvoir toucher pendant 6 mois une somme de 800€/mois, inférieure au seuil de pauvreté.

 La mise en place d’un système de bonus-malus aux paramètres non maîtrisables pour les entreprises de certains secteurs à partir de 11 salariés

L’action de lobbying du SDI auprès des pouvoir publics a certes permis d’exonérer l’immense majorité des TPE (jusqu’à 10 salariés) du système de bonus-malus.

Il n’en reste pas moins que, pour les entreprises concernées, ce système est particulièrement pervers.

7 secteurs d’activités concernés

  • l’agro-alimentaire (denrées alimentaires, boissons, tabac)
  • les « activités scientifiques et techniques » telles que la publicité
  • l’hébergement-restauration,
  • l’assainissement des eaux et la gestion des déchets,
  • le transport et l’entreposage,
  • la fabrication de caoutchouc et plastique, enfin
  • le travail du bois, l’industrie du papier et l’imprimerie

Des critères d’application impossibles à anticiper

A partir de mars 2021, chaque entreprise concernée recevra une information sur le taux UNEDIC applicable à sa masse salariale. Ce taux sera de 4,05% par défaut (taux actuellement en vigueur) et pouvant varier entre 3% et 5,05% selon les calculs de l’administration.

La variation du taux sera fonction d’un savant calcul, défini sur la base de l’écart entre le taux de séparation de l’entreprise et le taux de séparation médian de son secteur d’activité.

Quant au taux de séparation de l’entreprise, il est « égal à la moyenne, (…) des quotients, par exercice de référence, du nombre de séparations imputées à l’entreprise par l’effectif de l’entreprise ».

Globalement, plus les entrées-sorties dans l’entreprise sont nombreuses, plus son taux augmente ; et plus ce dernier est éloigné du taux moyen de son secteur d’activité, plus l’entreprise sera pénalisée par un malus ou bénéficiera d’un bonus.

Un champ de ruptures contractuelles extrêmement large

La quasi intégralité des fins de contrats sera comptabilisée : rupture conventionnelle, fin de CDD de remplacement ou pour accroissement temporaire d’activité, licenciement tous motifs, fin de contrat d’interim, fin de CDD d’Usage.

Ne seront en revanche pas comptabilisées les démissions, fins de contrats de mission, d’apprentissage, de professionnalisation, fin de contrats spécifiques concernant les chômeurs longue durée.

Ajoutons enfin que, en marge de la réforme UNEDIC, le gouvernement entend pénaliser tous les CDD d’Usage, sous forme d’une majoration forfaitaire de 10€, quelle que soit la taille de l’entreprise ou la durée du contrat.

La modification drastique des règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi

A partir du 1er novembre 2019, la durée minimale d’activité pour ouvrir droit à l’allocation de retour à l’emploi d’un salarié sera profondément modifiée. Cette durée sera en effet de 6 mois minimum sur les 24 derniers mois contre 4 mois sur les 28 derniers mois à ce jour.

De même, la durée minimum d’activité pour prolonger les droits (système de « rechargement ») passe de 1 mois à 6 mois.