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Réforme des retraites : les risques majeurs encourus par les indépendants

Jean-Paul Delevoye, Haut-commissaire à la réforme des retraites, a rendu son rapport définitif au gouvernement le 18 juillet 2019.

Ce rapport est intitulé : « Un système universel de retraite plus simple, plus juste, pour tout le monde ». Cette formulation ne peut que rencontrer une adhésion massive.

Il ne s’agit, à ce stade, que de propositions. Libre au gouvernement de reprendre tout ou partie des préconisations, au SDI et à ses adhérents de se mobiliser pour l’amender.

Ce projet donne pour autant un avant-goût assez fidèle de ce qui nous attend ; et ce n’est pas nécessairement réjouissant !

Un principe simple néanmoins sujet à caution

Quelques certitudes…

Le projet pose un principe simple : 1 euro cotisé donnera accès aux mêmes droits. Plus précisément, 100€ cotisés donneront droit à 5,5€ de pension par an à partir de 64 ans, sans que le niveau de pension minimum ne puisse être inférieur à 85% du SMIC net, soit l’équivalant de 1020€/mois à ce jour.

Second principe simple : le taux de cotisations sera identique pour (presque) tous, soit 28,12% jusqu’à 120.000€.

Ce taux est à ce jour de 24,75% pour les artisans et commerçants jusqu’à 40.000€ de revenus, puis 8,6% au-delà.

Il serait demain de 28,12% jusqu’à 40.000€ de revenus puis de 12,94% jusqu’à 120.000€.

… déjà battues en brèche

Des simulations sujettes à caution

Pour appuyer son propos et démontrer à quel point le futur système serait simple et bénéfique, JP Delevoye a fourni 9 situations type dans son dossier.

Etonnamment, dans tous les cas, le futur système conduisait à une augmentation des pensions versées.

Ce résultat a en réalité été obtenu au prix d’une modification importante des durées de cotisation de chacune des simulations, réalisées sur la base de 44,3 ans de cotisations, soit des droits versés à partir de 65,3 ans pour des personnes ayant commencé à travailler à 21 ans. On est assez loin d’un âge de la retraite maintenu à 62 ans, ou même d’un âge pivot à 64 ans.

Notons enfin qu’aucune des simulations proposées n’envisageait l’hypothèse d’une personne ayant travaillé tout ou partie de sa vie professionnelle en qualité d’indépendant…

  • Des affirmations d’aujourd’hui qui pourraient ne plus avoir cours demain

L’autre face cachée de la réforme est liée au fait que tous les paramètres évoqués par le Haut-commissaire sont variables en fonction des générations. Dans un souci d’équilibre du système de retraite sur le long terme, les niveaux de cotisations, coût d’acquisition des points et valeur des points au moment de la liquidation des droits, seront sujet à modifications en fonction du nombre prévisible de retraités et de leur durée de vie à terme au niveau d’une même génération.

Quant à la durée de vie, elle définirait un âge pivot de retraite à taux plein selon le paramètre suivant : 2/3 de vie professionnelle pour 1/3 de retraite.

 

 

Un vice caché potentiellement dévastateur pour les artisans et commerçants

L’un des dangers majeurs de la réforme réside dans une phrase d’apparence anodine : « Il est proposé qu’une assiette brute soit définie pour les indépendants. Elle se rapprochera davantage de celle des salariés. »

A ce jour en effet, les indépendants acquittent leurs cotisations retraite sur la base de leur revenu net fiscal (celui déclaré sur la feuille d’impôts), alors que la base des salariés est leur revenu brut.

Ex pour un SMIC 35h/semaine  : la base de cotisations d’un salarié est 1.521,22€ (le brut) et non 1.171,34€ (le net).

Or, le rapport Delevoye propose, pour les indépendants, de « définir une assiette brute qui se rapprochera davantage de celle des salariés ».

Mathématiquement, dans l’hypothèse d’un alignement (et non d’un « rapprochement », terme flou quant à l’ampleur envisagée) la base de calcul des cotisations des indépendants augmenterait de 23%.

Exemple pour un indépendant qui gagnerait l’équivalant du SMIC :

  • cotisations retraites actuelles = 14056 X 24,75% = 3478,88€/an
  • cotisations retraites futures (14056 + 23%) X 28,12% = 4861,63€/an

Dans l’opération, le professionnel indépendant perdrait 1382,75€/ an, soit plus d’un mois de rémunération !

Par ailleurs, en ce qui concerne les indépendants gagnant moins de 4.660€ de revenus par an, leurs cotisations retraites (minimales) sont actuellement de 827€/an. Le rapport Delevoye prévoit de les augmenter « progressivement » à… 1.500€/an !

Il est très clair dans ces circonstances que notre mobilisation doit être totale en vue d’obtenir la mise en place d’un niveau de cotisations compatible avec les facultés contributives des indépendants sans aboutir à une retraite au rabais !