Edito

Financement des TPE : un impératif d’intérêt public !

Selon les sources officielles, avalisées par les organisations professionnelles dites représentatives et la Fédération Bancaire Française (FBF), il n’y aurait pas de problème d’accès au crédit pour les entreprises en France. Tout irait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes bancaires. Mais parle-t-on des TPE au niveau stratosphérique de la finance statistique ? Il est possible d’en douter lorsque le MEDEF s’inquiète avant tout des conséquences des normes européennes sur les marchés, que l’unique cheval de bataille de la CPME s’avère être l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) ou bien que l’U2P s’interroge sur les modalités d’allocation comptable des bénéfices. Dans ce concert de louanges à l’abondance du crédit bancaire, le SDI est la seule organisation patronale à dénoncer les conditions d’accès aux petits crédits de trésorerie pour les TPE, quasi systématiquement refusés par les établissements bancaires au profit de découverts générateurs de frais et agios bien plus rémunérateurs. Car la problématique de fond du secteur bancaire français est bien systémique. Il convient bien sûr de saluer le fait que les taux des crédits bancaires français sont, de loin, les plus bas d’Europe, toutes catégories confondues, qu’il s’agisse des prêts immobiliers, mobiliers, ainsi que des crédits de trésorerie. Mais il convient de même de dénoncer la contrepartie de ces taux bas, à savoir la pire pratique de frais et agios sur comptes courants professionnels de toute l’Europe. Un rapport du CCSF (Comité Consultatif du Secteur Financier) du mois d’août 2019 relève ainsi que les frais sur rejet de prélèvement sont 6 fois plus élevés en France qu’en Allemagne. Cet élément n’est encore qu’un épiphénomène dont les conclusions peuvent être dupliquées sur de nombreux autres frais bancaires (rejet de chèque, commission d’intervention, commission de mouvement, commission sur plus fort découvert,…). Ajoutons à cela que les frais sur incident bancaire des comptes professionnels ne sont pas plafonnés, contrairement à ceux des particuliers, alors même que ces derniers sont eux-mêmes considérés comme parmi les plus élevés d’Europe selon le rapport du député Chassaing de juin 2019.

Le modèle bancaire français se fonde ainsi sur un système pervers au sein duquel les frais et agios appliqués sur les comptes des entreprises les plus fragiles financent les taux bas des entreprises les moins nécessiteuses. Ce système ne profite même pas aux TPE dont les investissements sont en chute libre depuis cinq trimestres consécutifs. Et le système s’auto alimente au constat qu’une TPE placée sous ce régime de disette financière assèche sa trésorerie pour payer les frais et agios bancaires. Il n’est ainsi pas rare de constater que le montant des frais sur incidents bancaires est supérieur à l’année au besoin en fonds de roulement que la banque a refusé de financer à crédit.

J’ajouterai enfin que les pouvoirs publics sont parfaitement conscients du phénomène. J’en veux pour preuve les discussions autour de la loi PACTE qui ont autorisé les microentrepreneurs dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 10.000€ de s’affranchir de l’ouverture d’un compte professionnel au profit d’un compte personnel. Les députés se sont en effet aperçus que les frais fixes bancaires (hors agios et frais sur incident) sont cinq fois supérieurs sur un compte professionnel par rapport à un compte personnel.

Le financement des TPE constitue pourtant un impératif d’intérêt public. Nous pouvons en effet nous interroger sur l’opportunité d’engager des milliards d’argent public dans la défense du commerce et de l’artisanat de proximité au travers de dispositifs complexes et aléatoires si cet argent est siphonné par des pratiques bancaires abusives.

Le SDI propose de s’attaquer à ces pratiques, par le plafonnement des frais d’incidents bancaire sur comptes professionnels. Nous proposons de même de renforcer la concurrence bancaire par la mise en place de la mobilité bancaire sur comptes professionnels.

Au-delà de ces actions qui nécessitent une réforme législative à laquelle nous travaillons actuellement, le SDI a signé un partenariat avec la Banque de France (à ne pas confondre avec le lobby bancaire représenté par la FBF) afin de soutenir les TPE, tant au niveau de leurs difficultés d’accès au crédit qu’au niveau de leurs projets de développement.